Pourquoi associer Pratiques Managériales et Risques Psychosociaux ?

Aujourd’hui les Risques psychosociaux (stress, violences internes et externes) sont entrés dans le langage courant, même si ce terme est parfois utilisé sans savoir ce qui se cache réellement derrière.

Depuis la naissance du phénomène des RPS en 2006-2007 (voir dossier spécial), suite à la vague de suicides dans plusieurs grandes entreprises françaises, plusieurs études et travaux ont été menés démontrant à chaque fois la relation entre Risques Psychosociaux et Pratiques Managériales.

Ces travaux ont chaque fois souligné la nécessité de former les managers au management des équipes, à la conduite du changement, au dialogue social et à la prise en compte de la notion de Santé et Qualité de Vie au Travail (QVT)

Objectif recherché:

L’objectif recherché est de sensibiliser et de mobiliser les Dirigeants d’entreprises, les RH et les Managers eux-mêmes sur la nécessité de mieux former les acteurs concernés au management des équipes et ainsi associer d’une manière plus favorable, Performance de l’organisation et Qualité de Vie au Travail.

Pourquoi former les managers ?

Pour apporter une réponse complète à cette question nous sommes appuyés, sur notre propre constat tiré de notre expérience de terrain, mais également sur plusieurs études réalisées depuis plus de dix ans.

Parmi toutes ces études nous avons retenu deux rapports qui nous paraissent essentiels et fondamentaux : Le « Bien être et efficacité au travail » de février 2010 et le livre blanc de l’ANACT « Apprendre à manager le travail » de septembre 2017.

1. Le Rapport « Bien être et efficacité au travail » Février 2010

En 2010, Muriel PENICAUD*, Christian LAROSE et Henri LACHMANN remettent au premier ministre de l’époque, le résultat de l’étude, menée sur sa demande, dans un rapport intitulé « Bien-être et efficacité au travail ».

Dans ce rapport les 3 experts formulent 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail :

  1. L’implication de la direction générale et de son conseil d’administration est indispensable.
  2. La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne s’externalise pas.
  3. Donner aux salariés les moyens de se réaliser dans le travail.
  4. Impliquer les partenaires sociaux dans la construction des conditions de santé.
  5. La mesure de la santé psychologique des salariés est une condition de son amélioration.
  6. Préparer et former les managers au rôle de manager.
  7. Ne pas réduire le collectif de travail à une addition d’individus.
  8. Anticiper et prendre en compte l’impact humain des changements.
  9. La santé au travail ne se limite pas aux frontières de l’entreprise.
  10. Ne pas laisser le salarié seul face à ses problèmes.

*Muriel PENICAUD, DRH de Danone à l’époque et ex-ministre du Travail du gouvernement d’Edouard Philippe.

Parmi ces 10 propositions, 5 nous paraissent étroitement liées au management :

  • (1) L’implication nécessaire et indispensable de la direction générale qui doit être moteur dans le projet.
  • (2) De par leurs positionnement les managers sont au plus près des difficultés que peuvent rencontrer les salariés au quotidien et ainsi être en capacité de les aider.
  • (6) La nécessité de préparer et de former les managers à la gestion d’équipe en y intégrant la dimension humaine.
  • (7) Développer la notion de performance collective pour accroitre l’esprit d’équipe.
  • (8) Mieux anticiper et mesurer l’impact social et humain de tout projet de changement

Ces propositions mettaient ainsi en cause, les pratiques managériales de l’époque, en termes de gestion des hommes.

Ce rapport montrait aussi, la nécessité de préparer, de former et de professionnaliser les managers pour leur permettre d’assurer pleinement leur rôle de leader en toute sérénité, sans craindre de générer des RPS.

Ce rapport va plus loin et relève ainsi, que « La formation au management proposée dans les écoles de commerce et d’ingénieurs, ainsi que dans les cursus universitaires, n’est pas une formation à la conduite des équipes ».

Ce rapport a le mérite d’être synthétique (19 pages dont 9 pour les annexes), clair, facilement compréhensible et adapté à la réalité du terrain

Pour voir le détail des 10 propositions ainsi que le rapport « Bien-être et efficacité au travail » cliquez-ici

2. Le livre blanc de l’ANACT « Apprendre à manager le travail » Septembre 2017

Le livre blanc de l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) de septembre 2017 «Apprendre à Manager le Travail» vient encore une fois tirer la sonnette d’alarme et mettre en évidence la relation entre RPS, QVT et les pratiques managériales.

Ce rapport, comme bien d’autres depuis dix ans, met l’accent sur le besoin de professionnaliser les managers aussi bien par la formation initiale que par la formation continue.

Dans son rapport l’ANACT constate que, dix ans après les premières alertes et malgré les différents rapports et études publiés sur le sujet cela ne semble pas « infléchir les acteurs de la formation initiale et continue, en direction des managers, chefs de projets et dirigeants pour enrichir leurs pratiques professionnelles ».

Afin de mieux prendre en compte la Qualité de Vie au Travail, l’ANACT formule 3 recommandations en direction des étudiants et des managers dans les entreprises :

  1. Cursus d’ingénieurs en formation initiale : Des recommandations pour apprendre à manager des projets tenant compte des conditions de travail
  2. Cursus de managers en formation initiale : Des recommandations pour apprendre à manager le travail
  3. Cursus de formation continue des managers : Des recommandations pour apprendre à manager autrement en vue d’améliorer la qualité de vie au travail.

Parmi ces 3 recommandations, 2 concernent les thématiques à développer dans la formation du management dans les entreprises :

  1. (2) Apprendre à manager le travail (formation initiale)
    • Associer les parties prenantes à la conception des compétences managériales
    • Renforcer les fondamentaux en sciences humaines et sociales
    • Aiguiser la réflexivité à partir de la compréhension fine des situations de travail
    • Développer des thématiques risques psychosociaux, qualité de vie au travail ou bien-être au travail
    • Renforcer le volet social de la Responsabilité Sociale et Environnementale dont le dialogue social
    • Concevoir des programmes d’innovation sur le travail et l’organisation et le management
  2. (3) Apprendre à manager autrement pour améliorer la qualité de vie au travail (formation continue)
    • Sensibiliser les dirigeants à la qualité de vie au travail
    • Soigner l’intégration des jeunes diplômés et accompagner les parcours professionnels des managers
    • Développer des formations dans les situations de travail des managers
    • Outiller les managers sur le management du travail
    • Innover en expérimentant de nouveaux modes de management et d’organisation
    • Prendre en compte les conditions de travail dans la conduite des projets de transformation

 Le détail des recommandations est disponible en 2 versions, la synthèse (20 pages) et la version complète (190 pages).

Comme nous, ces deux rapports établissent bien la relation entre Pratiques Managériales, Risques Psychosociaux et Bien-être au Travail et soulignent ainsi la nécessité de mieux professionnaliser les managers. Malheureusement force est de constater que rien ou presque rien n’a été fait depuis dix ans.

Quel est le concept de Qualité de Vie au Travail ?

Nous ne pouvons pas évoquer les Risques Psychosociaux sans parler de Qualité de Vie au Travail.

Plusieurs définitions existent depuis les années 90, mais pour nous la définition de l’ANI de juin 2013 est aujourd’hui la plus pertinente :

La  « Qualité de vie au travail peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ».

Au delà du concept, la loi oblige depuis 2015, revue par les ordonnances Macron de septembre 2017,  les entreprises de plus de 50 salariés à mener une négociation sur la Qualité de Vie au Travail tous les 4 ans.

Quelle est la relation entre compétitivité, QVT et RPS ?

Ces deux notions ou concepts, Risques Psychosociaux et Qualité de Vie au Travail, doivent être étroitement associés. L’un dans les actions de prévention (RPS) à mettre en place pour les éviter ou les supprimer. L’autre dans les actions de promotion à mettre en œuvre (QVT) pour améliorer les conditions de travail et la vie des salariés.

Ces deux concepts sont donc parfaitement complémentaires dans l’amélioration du bien-être des salariés et à ce titre RPS et QVT doivent être évalués et tracés au sein de l’entreprise.

Si nous voulons augmenter la productivité, la compétitivité des organisations et ainsi faire baisser les « coûts cachés »*, il faut des collaborateurs motivés, engagés, performants et prenant ou reprenant à nouveau plaisir et goût au travail.

Quels sont les coûts engendrés par les RPS ?

Pour illustrer les coûts liés aux RPS nous avons choisi de prendre les chiffres de l’INRS, du BIT (Bureau international du Travail) et ceux de Henri SAVALL :

1. Selon l’INRS le coût social  (direct) du stress professionnel représenterait entre 2 et 3 Milliards d’euros par an.

2. De son coté le BIT fait une estimation bien plus importante et selon lui le coût économique (direct et indirect) du stress dans les pays  industrialisés représenterait 3 à 4% du PIB. Ce qui représente pour la France 60 Milliards d’euros par an.

3. Et enfin, pour Henri SAVALL, la perte de valeur ajoutée (coûts cachés*) par an et par salarié représenterait   entre  15 000 € et 60 000 € selon les entreprises.

* Pour Henri SAVALL « les coûts cachés représentent les impacts économiques des dysfonctionnements qui perturbent le management et le fonctionnement des entreprises et des organisations en termes de conditions de travail, d’organisation du travail, de communication-coordination-concertation, gestion du temps, de formation intégrée ou de mise en œuvre stratégique.

Ces coûts sont appelés cachés car ils ne sont généralement pas, ou mal pris en compte par les systèmes comptables classiques des organisations…………. »

Voir l’étude de H. SAVALL dans l’ouvrage Finance et Contrôle au quotidien, sous la direction de L. Cappelletti et C. Hoarau, p. 353, Dunod 2013

Si nous insistons autant sur les coûts associés aux RPS, c’est bien pour tenter de mobiliser les différents acteurs de l’entreprise et surtout les directions générales sur les gains potentiels liés à une meilleure prise en compte des RPS et de la QVT. Ces deux volets (RPS et QVT) devraient être intégrés dans les axes stratégiques de l’entreprise.

Après ces chiffres hallucinants, une question se pose: Qu’attendons nous pour réagir et mettre en œuvre les recommandations des deux rapports ?

Comment passer de la réflexion à l’action ?

Continuer de travailler sur l’amélioration de l’environnement des collaborateurs, c’est bien mais pas assez. Nous ne nous étendrons pas sur cette action, elle est certainement déjà largement prise en compte dans la plupart des entreprises.

Par contre, le temps de l’action a sonné et c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour intégrer pleinement l’innovation  managériale basée sur la gestion des équipes dans les axes stratégiques des entreprises.

Cette innovation managériale doit redéfinir une « nouvelle culture managériale » en faisant évoluer les pratiques managériales actuelles et amorcer ainsi « une véritable révolution managériale » plus proche de l’individu et conjuguer ainsi performance de l’organisation et qualité de vie au travail.

Faire évoluer les pratiques managériales actuelles à tous les niveaux de l’organisation demande un investissement massif dans des parcours de formation axés sur le management des équipes.

Ces parcours doivent se dérouler dans le temps en intégrant des accompagnements spécifiques et personnalisés. Ces formations devront prendre en compte également la gestion des générations Y et Z.

Pour voir un exemple de parcours dédié aux managers: cliquez-ici

L’analyse coût bénéfice devra prendre en compte les chiffres cités précédemment pour avoir une vue ‘factuelle’, objective et précise des retombées à court et moyen terme.

Compte de tenu de la dimension d’une telle action elle pourrait faire l’objet d’un véritable projet de conduite de changement et être géré en ce sens

Engager ces investissements signifie qu’il  faut considérer que Manager est un métier à part entière. Pour voir l’article sur le sujet cliquez-ici.

Les difficultés du manager face aux Risques Psychosociaux

A ce stade une clarification s’impose.

Ce dossier n’est pas là pour stigmatiser le manager, le pointer du doigt, ou l’accabler de tous les maux, mais pour mettre en évidence l’impact de pratiques inadaptées ou de carences de pratiques tout simplement, dans la génération des Risques Psychosociaux (RPS).

L’objectif recherché ici, est de souligner les difficultés que rencontre le manager au quotidien et d’alerter l’ensemble des acteurs concernés, de la nécessité de le préparer et de le former, afin qu’il puisse jouer pleinement son rôle de leader, sans provoquer des Risques Psychosociaux (RPS).

Nous vous invitons donc, à prendre connaissance des deux rapports précités et à réaliser vous-même un diagnostic dans votre propre environnement.

Conclusion

Avons nous réussi à mobiliser les dirigeants et les RH sur les enjeux et les coûts financiers (coûts cachés) associés aux RPS?

Avons-nous réussi à sensibiliser les Dirigeants, les RH et les managers sur la nécessité de mieux former l’ensemble de la structure hiérarchique de l’entreprise à la gestion des équipes?

L’avenir nous le dira… 

Mais une chose est sure :

« Si vous prenez soin de vos employés ils prendront soin de votre entreprise » Richard Branson

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